D'Houphouët-Boigny à Gbagbo, Bédié et ADO
Mais quelle différence entre la vision de Félix Houphouët-Boigny qui a généré l'essor économique de la Côte et celles de Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara ! Chacun de ces trois leaders en nourrit une pour ce pays que son état-major et lui ont consignée dans un programme de gouvernement qu'ils se sont concocté. Avec la date de l'élection présidentielle qui se profile, ils les ont dépoussiérés pour les mettre au goût du jour. Et déjà, ils les "vendent" aux Ivoiriens comme l'argument sur la foi duquel ceux-ci devront leur confier les rênes de la Côte d'Ivoire.
Mais que valent dans le fond ces programmes de gouvernement qui servent de cheval de bataille respectif à ses trois leaders ? Que peuvent-ils apporter au processus de développement de la Côte d'Ivoire ? Sont-ils porteurs d'une vision analogue à celle de Félix Houphouët-Boigny, à défaut de redonner vie à celle-ci et de la continuer là où son auteur avait dû la laisser malgré lui ? En examinant les programmes de gouvernement de ces leaders appelés "la Refondation" au FPI avec Laurent Gbagbo, "L'Eléphant d'Afrique" au PDCI-RDA avec Henri Konan Bédié et "Vivre ensemble" au RDR avec Alassane Dramane Ouattara, le constat est vite fait qu'ils se rejoignent en un point : ils sont plus une énumération de slogans que des projets qui sont véritablement bâtis sur une ambition concrète de développement de la Côte d'Ivoire. Ainsi, s'entrechoquent-ils sur des détails et des questions de gouvernance à propos desquels ces leaders se querellent.
Cependant, aucun de ces projets n'offre une dialectique concrète de développement de la Côte d'Ivoire à partir d'une exploitation ou d'une mise en valeur de ses ressources en tous genres. C'est-à-dire tout le contraire du projet de Félix Houphouët-Boigny qui, partant de la qualité du sol et du climat de ce pays, en a fait un immense réservoir agricole duquel il a fait jaillir son formidable potentiel économique. En clair, le père de la nation a mis sur pied un programme qui a créé des richesses financières et matérielles. Est-ce là l'ambition que développent respectivement "la Refondation", "l'Eléphant d'Afrique" et "Vivre ensemble" ?
Pas de richesses à créer mais des dépenses
à accroître
Quel est le contenu économique de ces programmes ? En ont-ils ? Pour commencer par "la Refondation", sur cette question, l'on se perd en conjectures. Pour la simple raison que le programme de gouvernement du FPI n'intègre aucune vision ou ambition économique. En clair, ce programme n'est pas créateur de richesses. Laurent Gbagbo avait cru pouvoir lui en donner en usurpant la genèse de la libéralisation de la filière café-cacao, exigée par le FMI et la Banque mondiale et enclenchée par Henri Konan Bédié. En campagne électorale en 2000, il avait brandi, chemin faisant, à l'endroit des masses paysannes, son fameux slogan plein d'opportunisme : "donnez-moi le pouvoir pour que je vous le rende". Malheureusement, cette libéralisation qui devait enrichir les producteurs comme attendu, n'aura profité uniquement qu'à une coterie proche de lui conduite par Henri Amouzou, Tapé Do et Angeline Kili aujourd'hui en prison. Cette récupération de ce
projet-créateur de richesses pour la masse, au terme de laquelle le chef de l'Etat clamait : "Houphouët a enrichi la côte d'Ivoire, moi, je vais enrichir les Ivoiriens", dénote de l'improvisation qui s'était emparée de "la Refondation" soucieuse de se donner le contenu économique qui lui fait défaut de façon flagrante. Ce, d'autant que les chapitres vedettes du programme de gouvernement du FPI ont pour noms AMU (Assurance maladie universelle), conseillers généraux, école gratuite, communalisation totale du territoire national, etc. A voir les délégués de ce parti applaudir à tout rompre à l'énumération de ces différents chapitres par leur président (Affi N'guessan) lors de leur récente convention à Yamoussoukro, l'on aura simplement compris la chose suivante : si Laurent Gbagbo est réélu, que des putschistes ou des rebelles ne l'empêchent plus de gouverner ou pas, cela ne changera fondamentalement rien économiquement à la
Côte d'Ivoire et plus précisément au sort des Ivoiriens qu'il s'était juré d'enrichir. Pour la bonne et simple raison que l'AMU, les Conseillers généraux, l'école gratuite et autres ne sont pas des projets créateurs de richesses, ils ne créent des opportunités qui permettraient aux Ivoiriens de se sortir de la misère ou d'accroître considérablement leurs revenus. Bien au contraire, ces différents chapitres et tout le reste du programme de "la Refondation" ne créent que des dépenses pour les finances publiques… Sans toutefois créer de nouvelles ressources qui permettront de les supporter. Et ce n’est guère la reprise des grands travaux à Yamoussoukro qui ne s'adresse qu'à une minorité d'ouvriers, la zone franche des nouvelles technologies ou encore les deux projets de raffineries qui vont permettre de résoudre ce problème. Leur capacité totale d'absorption reste bien maigre et surtout lointaine en ce qui concerne les deux
derniers projets cités.
Au total, que va apporter économiquement "la Refondation" aux Ivoiriens ? Absolument rien du tout qui changera leur quotidien de misère. Parce que comment vont-ils se procurer les quinze (15) milles francs CFA qui leur seront exigés pour souscrire à l'AMU quand Mamadou Koulibaly, l'un des pères de cette Refondation assure déjà que 70% des Ivoiriens ne peuvent s'offrir un seul repas par jour ? A quoi servira-t-il aux paysans malades de se rendre dans les centres de santé créés par les conseils généraux s'ils n'ont pas les moyens de payer les consultations et/ou les médicaments et que par manque justement de moyens, ils n'ont pu souscrire à l'AMU pour être pris en charge gratuitement ? Dans quelles entreprises vont travailler les enfants qui seront allés gratuitement à l'école si la stagnation économique n'a pas permis la création de telles entreprises ? Avec quelles ressources va-t-on financer les lourdes charges générées par la
communalisation totale de la Côte d'Ivoire ? "La Refondation" ne prévoyant pas la création de ressources nouvelles, c'est dire qu'elle ne va être financée que sur les vieux fondements économiques inventés par Félix Houphouët-Boigny dont le FPI avait pourtant dénigré les choix économiques. Puisque les budgets des conseils généraux ne sont tirés que de la répartition du budget d'investissement de l'Etat dont le niveau n'a plus augmenté depuis Félix Houphouët-Boigny, soit 20 ans ! A moins que dans ce désert financier où il prévoit une augmentation galopante des dépenses publiques, le régime FPI recourt à la voie de l'augmentation et de la création de nouveaux impôts et taxes. Exactement comme les députés lui en ont montré l'exemple avec leur loi loufoque qui prévoit l'augmentation de leurs émoluments de 1,5 à 3,5 millions de francs et dont les ressources devront être constituées par une taxe spéciale que les opérateurs
de téléphonie mobiles devront répercuter aux consommateurs sur le coût de l'appel.
En face de "la Refondation", "l'Eléphant d'Afrique" de Henri Konan Bédié ne fait guère mieux. Lui aussi s'était englué dans les slogans. "Le progrès pour tous, le bonheur pour chacun", a-t-il clamé 6 années durant sous une pluie battante de milliards de francs qui ne mouillait que coterie de thuriféraires et lui ; quand il renvoyait le peuple affamé à aller créer des jardins potagers devant ses maisons pour pouvoir manger à sa faim. Les fameux "chantiers de l'Eléphant d'Afrique" ressassés à longueur de journée à assommer le peuple par Daniel Kablan Duncan, son Premier ministre, ne se résumait qu'à une dotation en infrastructures : nouvel abattoir d'Abidjan, 3ème pont, pont de Jacqueville, nouvelle gare routière, etc. Mais au-delà de leur utilité certaine, ces infrastructures sont-elles créatrices de richesses, parce que susceptibles d'induire une forte croissance économique ? Absolument pas. On retiendra cependant à Bédié
trois projets qui auraient pu avoir du bon : le projet de la zone franche à Grand-Lahou (un projet analogue rencontre un succès remarquable à Lomé au Togo) et les projets des fonds sociaux et des plantations clé en main à des jeunes qui ont été malheureusement dévoyés par leurs administrateurs.
Alassane Dramane Ouattara est dans une situation encore plus intrigante que ses deux rivaux. Economiste mondialement reconnu pour avoir été le Directeur général adjoint du FMI, il est celui qui tient un programme de gouvernement dont les contours sont les plus flous et mêmes inconnus. Là où en principe, lui, le spécialiste, l'expert en économie, aurait dû prendre totalement le dessus sur ses rivaux en présentant aux Ivoiriens un projet concret d'exploitation des ressources de leur pays qui allait lui faire faire un saut prodigieux sur la voix du développement comme le fit Félix Houphouët-Boigny. Au lieu de cela, c'est plutôt un projet de société que présente le champion du RDR. Dans la mesure où "Vivre ensemble" n'est rien d'autre que la vision d'une société ivoirienne intégrationniste et débarrassée des relents exclusionnistes et xénophobes.
Le chômage et la misère
économique ont encore
longue vie !
Comment ces trois programmes de gouvernement présentés plus haut pourront-ils, l'un ou l'autre, satisfaire les Ivoiriens, s'ils ne sont guère orientés sur la création de richesses qui, elle seule, peut induire la croissance économique ? Ces programmes ne s'entrechoquent que sur les vieilles fondations économiques posées par Félix Houphouët-Boigny. Ils n’ambitionnent en rien faire évoluer la structure de l’économie telle que posée par le père de la nation. Ce, en la faisant passer d’une économie dont les performances sont constituées par la production agricole brute, à une économie moderne qui glane des plus-values tirées d’une transformation industrielle des fruits de cette agriculture. Au total, "la Refondation", "L'Eléphant d'Afrique" et "Vivre ensemble", au regard de leurs contenus, ne peuvent pas induire la création de richesses qui induirait la croissance économique. Ils ne prévoient rien apporter, mais ne viennent que
pour gérer l'existant. Il est certain que vu le potentiel de ce pays, une normalisation socio-politique, après les élections, pourrait "réveiller" l'activité économique de façon sensible. Mais cela sera loin d'équivaloir à la croissance que provoque la création de nouvelles richesses due à celle de nouvelles activités économiques. Or, seul un tel élargissement peut générer la création d'emplois pour résorber le chômage et faire reculer la misère. Malheureusement, les 3 principaux programmes entre lesquels les Ivoiriens auront à choisir le 30 novembre rament totalement à contre-courant de ces réalités en projetant plutôt une amplification galopante des dépenses publiques. Dire que c'est pour de tels projets dont la victoire de l'un sur l'autre, en changera rien à leur misère, que des individus voudront en découdre pour le triomphe de la cause des illusionnistes qui les leur "vendront". Comme cela est désormais de coutume en
Afrique. Plus que jamais, les Ivoiriens doivent prendre conscience de la vanité de ces prétendues causes qui ne profitent qu'à leurs auteurs et leurs clans et jamais au peuple qui y paie le prix de son sang.
(par Michel Dia)
mercredi 3 septembre 2008
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